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Tobias présente

3 décembre 2006

Automne 1915

On aurait annoncé dans les journaux que la lutte au front s'intensifiait. Certaines nuits, alors que le vent aurait soufflé de l'est, dans le silence de la nuit de Paris, pendant que j'aurais épié cette quiétude inquiète, j'aurais pu croire entendre très assourdi le bruit du canon, l'éclat de bombe. On aurait su qu'un jour la ville serait sous les tirs ennemis, que la fête triste et oublieuse, par instants, serait gâchée par un obus. J'aurais marché dans la nuit pour respirer. Dans l'atmosphère bizarre de calme qui savait que la mort sévissait à quelques pas, j'aurais tenté d'écrire. Il m'aurait fallu m'évader par instants de mon bureau. La mort m'aurait épargné et je serai revenu à Paris. Nous aurions été plusieurs à errer ainsi, ne pouvant servir qu'à ce rôle qui fut dévolu aux temps des Invasions aux moines lettrés. Pendant que l'orage des armes se serait acharné sans s'exaspérer, on aurait composé ou écrit, mais en allant chercher dans l'ombre d'une porte, dans une chambre louée, la tendresse qui aurait semblé avoir déserté le pays; étrange vie que l'attente du feu ou de la paix, qui se serait égarée dans les rues sombres de Paris.
Je cueille une dernière rose dans l'automne.

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30 novembre 2006

"The Hours" (Philipp Glass)

Une musique comme une tasse de thé. À peine quelques glissements de cordes et quelques notes de piano, pour que se lèvent, aussi vives qu'un après-midi doux et pluvieux de mai, des images qui laissent sans voix pendant quelques heures. (Une musique, qui donnait presque envie de s'ensevelir au creux de l'onde, pour retrouver le bon chemin de la parole.)
Je tourne les yeux vers la fenêtre : le ciel qui nous dirait presque la neige ; la musique fait renaître les sensations d'un livre – un train courant à travers la campagne vers l'arbre de Noël, des flocons de temps en temps. Puis une tasse de thé, dans la tranquillité familiale. Et la lecture se continue: derrière la fenêtre, le ciel s'assombrit et le sol s'éclaircit de blancheur.

28 novembre 2006

"Dites au prince charmant" (Lio)

Le temps sensible et le temps affectif... J'ai aimé cet disque de Lio en janvier, et je ne redécouvre entièrement un matin de fin novembre, sans l'oublier entre-temps, mais avec une force nouvelle. Lio revient avec une voix délicate raconter des petits événements. Il y a de la sensibilité à fleur de peau, il y a de l'humour.
Et une ambiance, un décor. Alors que les premières notes commencent, je vois le même ciel qu'à la première écoute: un ciel bas semblable à de l'acier d'où la neige est sur le point de tomber – un ciel blanc cotonneux dans lequel on s'enroule pour réchauffer son coeur.
Les mots lui viennent dans un souffle, une fumée gracieuse et dansante.

26 octobre 2006

Bord de mer #4

Ce matin, le ciel était rosé, quand je sursautais dans mon sommeil. Était-ce un mauvais rêve? Une sensation de froid? Je ne savais pas très ce qui me réveilla. Peut-être inconsciemment le désir de ne pas rater ce ciel. Les jours ont filé, sans bruit, dans le vide de la maison, dans la fraîcheur de la pinède, à regarder la plage. Il m'est plusieurs fois revenu des images de William, la douceur de sa peau, son rire au milieu de la Grand'Place.
Il a fallu Henry et son départ pour que je m'endormisse tout à fait. Le bord de mer fut comme un long sommeil, après des jours agités, où tous les rêves et les cauchemars viennent d'un coup, comme pour être assimilés; il faut parfois de ces temps de repos.
Les nuages roses comme on les voit dans les tableaux, se continuant dans les chairs d'une baigneuse ou d'une déesse. Je porte en moi ces ciels, tendres et cotonneux, coupants mais magiques, d'une tristesse consolatrice. Il était l'heure de refaire mes bagages.

17 octobre 2006

Bord de mer #3

Quand j'ai eu expliqué à Henry, pendant que nous buvions notre café matinal, avec une légère fatigue dans les yeux, qu'il n'y avait pas grand chose que je pusse lui offrir, il me dit la fragilité de ce qui pouvait se nouer entre nous. Il ne regrettait pas ce qu'il avait murmuré à mon oreille, mais en apparaissait maintenant toute la vanité et toutes les limites. Nous nous sourîmes quand même. "Je ne peux pas rester ici avec toi. Tu attends beaucoup, mais tu ne peux rien donner en échange." Peut-être ne me restait-il plus qu'à aller vivre dans la pinède et courir avec les écureuils.

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16 octobre 2006

Bord de mer #2

J'ai délaissé en fin d'après-midi la plage pour aller sur un autre tapis feutré, dans un bois de pins, où mes pas s'enfoncent dans le moelleux des épines. À l'écume succèda une brume soyeuse. Je marchais en silence, où je tentais de me cristalliser; alors que l'obscurité tombait, des ombres prenaient des formes inconnues et attirantes, peut-être le fruit de mon imagination. Mais une entre toutes attirait mon regard. Ce que j'étais venu attendre ici semblait prendre forme, derrière un tronc, à me guetter.
"Tobias?"
Un prénom murmuré, c'était la voix d'Henry.
Je le retrouvais comme par le passé, son regard bleu, un volume dépassant toujours de sa poche.
Avant de poser mes lèvres sur les siennes, je caressais d'abord son bras en fixant son regard. Puis nous marchâmes encore en nous racontant nos vies, depuis la dernière fois. Je crus d'abord à une illusion, comme si les pins dégageaient, à la manière de certains marais, des vapeurs qui, une fois respirées, troublent les sens. Mais Henry était bien là, à venir me tenir compagnie dans la solitude du bord de mer.
Je saurai vraiment que ceci était vrai quand je m'endormirai la joue sur sa poitrine.

15 octobre 2006

Bord de mer #1

Ce matin, à la première heure, j'ai pris le train pour le bord de mer. Quelques vêtements vite pliés et des carnets, beaucoup de musique. Pendant quelques jours, je vais retrouver mes rêves dans l'écume des vagues et attendre sur la plage qu'on vienne peut-être fredonner à mes côtés.

15 octobre 2006

"Charlie Charlie"

La rue, autour de moi, pleine des rires du samedi.
J'essuyais mes larmes avec le foulard qu'il m'a offert.

9 octobre 2006

"Stay golden" (Au revoir simone)

Le révérend me laisse utiliser une pièce sous les combles: je l'ai très peu aménagée, à part une table et quelques livres. De la lucarne, je vois le clocher de l'église. Souvent, après avoir allumé une bougie, j'écoute cette chanson, avant d'écrire des lettres: au gré de  l'ondulation de la musique et de ma tête, je retrouve mon ruisseau, et j'imagine ces trois jeunes filles quitter un instant leurs amoureux, courir dans les hautes herbes pour chanter l'office.

(Ton absence crée une parenthèse que je remplis de mots.)

5 octobre 2006

Waiting for Isobel

Alice a toujours eu l'effet d'un papillon, qui viendrait se poser sur le bord de ma fenêtre quand le ciel est bas. Alors que j'étais ce matin à ma table, pensant que je pourrais allumer une bougie, elle a frappé doucement à ma porte. Nous prenions une tasse de thé quand elle noua autour de mon cou mon écharpe et me prit par la main. "Il y aura de l'or dans ce jour." Nous marchâmes entre les roseaux, croisâmes mon coin près de la rivière, mais elle continua. Sa conversation était douce et irisée, son pull vieux-rose, sa démarche de renarde. Je connaissais bien le chemin que nous prenions, le refuge de nos étés adolescents, où elle me fit sentir la douceur d'un baiser et la caresse d'une langue. Ici, nous partagions des tartelettes et des poèmes; comme les papillons, ses cheveux caressaient mon nez. Elle m'apprit la beauté d'une fumée de cigarette dans le soleil. Nous nous assîmes au pied de son saule, – je me souviens de m'être comparé à Musset –, les yeux perdus chacun dans le vide. Alice regardait le ciel, et, comme par le pouvoir de ses yeux, les nuages s'allégeaient en brume; une vapeur d'or enveloppait le saule. La voix d'Alice qui fredonnait frôlait le courant et mes yeux scintillaient du bonheur de l'avoir. Je serrais sa main.
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  • Tobias vit un peu dans un presbytère, un peu ailleurs. Il lit, écrit, écoute de la musique, embrasse des garçons et aime la bière. Il existe et il n'existe pas. Il est né dans une nouvelle et il vit dans la vraie vie.
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